Etre parent nous oblige à une certaine créativité pour trouver des solutions à nos défis du quotidien. Influencés par l’éducation que nous avons reçue, par les injonctions qui viennent d’un peu partout, par le dernier article de blog, par le commentaire de la belle-mère, par la discussion avec la copine, on tourne un peu en rond sans trouver de véritable inspiration, ou en tout cas rien qui puisse renouveler notre regard et nous permettre de prendre un peu de recul sur notre manière de procéder.
Chance pour nous, Michaeleen Doucleff, mère américaine débordée et souvent impuissante face à sa fille de 3 ans, est allée voir ce que d’autres cultures mettaient en œuvre pour éduquer leurs enfants, ce qui était important pour elles et quels moyens elles se donnaient pour y parvenir. Un grand bol de fraicheur anthropologique pour revisiter nos manières de faire et peut-être mieux choisir nos combats, ce qui est important pour nous !
Dans cet ouvrage, nous partons à la rencontre de trois cultures : les Mayas, les Inuits et les Hadzas qui, chacune dans leur genre, nous permettent de poser un regard différents sur l’éducation de nos enfants. Grâce à ses découvertes, l’autrice nous amène à réfléchir à l’éducation que nous donnons en Occident, à ses fondements, à ses croyances plus ou moins objectives. Un autre point intéressant est qu’elle confronte ses découvertes à celles des recherches en neurosciences. Force est de constater que ces savoir-faire ancestraux n’y sont pas opposés bien au contraire !
De son observation des différentes cultures, elle retient quatre maîtres mots pour garder à l’esprit des dynamiques éducatives qui ont fait leurs preuves au fil des siècles : TEAM.
T pour tendre camaraderie : cohabitation pacifique de la famille où il est inutile de prévoir des choses extraordinaires exprès pour les enfants mais plutôt de vaquer aux occupations familiales avec les enfants à nos côtés. Ce n’est plus l’enfant qui est au centre mais la vie familiale. Tout est fait pour encourager générosité et collaboration. On compte sur l’enfant pour prendre sa part à la vie et au fonctionnement familial, aussi petit soit-il. Les Mayas ne font jamais de compliment sur les réussites des enfants (pas comme nous qui passons notre vie à dire “bravo” pour ceci, “tu peux être fier”, etc…) Ils nous enseignent de nous tourner plutôt vers la gratitude pour ce que chacun apporte au bon fonctionnement familial et plus largement du groupe social au milieu duquel ils vivent. La gratitude devient une source inépuisable d’étayage de la confiance en soi mais aussi de l’harmonie familiale. L’enfant fait partie à part entière de l’équipe familiale.

E pour Encouragement : quand on crie sur l’enfant, il cesse d’écouter. L’enfant n’est pas né sachant, et il ne nous viendrait pas à l’idée de nous mettre en colère face à un petit enfant de 3 ans qui ne saurait pas ses tables de multiplications. Il en est de même pour les attitudes inappropriées de l’enfant. Il est normal qu’il doive apprendre et c’est la mission de l’adulte que de lui apprendre. Inutile donc de se mettre en colère. En partant du constat que ses fonctions exécutives sont limitées, c’est calmement et dans le respect qu’on peut lui apprendre à faire autrement. En travaillant sur notre capacité à rester calme (parfois au prix d’une distanciation momentanée), on enseigne à l’enfant à le faire. Mal se comporter est également une manière qu’à l’enfant de demander plus de responsabilités et une plus grande participation à la vie de famille. L’encourager à prendre sa part, aussi petite soit-elle (va me chercher la fourchette !) est bénéfique pour l’enfant comme pour la famille.
A comme autonomie : ayons confiance en la capacité de l’enfant à parvenir seul à trouver des solutions, à occuper son temps et observons le évoluer de loin depuis un poste d’observation distant. L’auteure de ces lignes, également enseignante, peut témoigner de combien les enfants sont capables de bien des choses, même tout petits. Les parents d’élèves sont toujours impressionnés de voir les capacités qu’ils développent au sein d’une classe. De même l’enfant a le droit d’être en colère mais nous ne sommes pas obligés d’être présents, de verbaliser, nous pouvons lui laisser sa liberté émotionnelle et n’intervenir que s’il demande expressément un câlin ou du réconfort. Mettons en place des zones, des moments où l’enfant peut expérimenter cette autonomie. Attention l’autonomie n’est pas l’indépendance ! Un enfant indépendant n’est pas connecté aux autres, il n’est responsable que de lui. Un enfant autonome est maître de ses actes et prend ses propres décisions, mais il est en relation permanente avec sa famille, ses amis. On attend de lui aide, partage et bienveillance. On attend de lui qu’il rende au groupe à chaque fois qu’il peut.

Laisse-la marcher toute seule. Elle peut partir devant et toi tu la suis. Elle va s’en sortir.”
David Mark Makia
M comme minimum d’ingérence : dans l’éducation occidentale, nous parlons beaucoup et souvent trop, nous sommes souvent trop près de nos enfants. Dans ces cultures ancestrales, on utilise beaucoup le langage non verbal, la surveillance de loin pour laisser à l’enfant la liberté d’explorer. Dans ce cas on intervient uniquement en cas de danger réel. “Attends un peu” pour intervenir, donner des instructions, des directives, des ordres. L’enfant est tout à fait capable d’apprendre et de trouver par lui-même l’attitude appropriée. Il nous surprendra plus d’une fois par ses capacités !
A travers ces différentes cultures éducatives, Michaeleen Doucleff, nous propose tout un panel d’outils et de réflexions pour essayer de mettre en œuvre ces astuces ancestrales au sein de notre famille.
Ce livre est une vraie mine, un bol d’air frais ! Il nous amène à reconsidérer nos choix, ce que nous voulons véritablement développer comme capacités chez nos enfants. Il permet de voir autrement certaines fausses bonnes idées de l’éducation à l’occidentale ainsi que les conséquences qui en découlent, aussi bien pour la famille que pour la société toute entière.
Il insiste aussi sur l’importance d’apporter du soutien aux familles car jamais dans l’histoire de l’humanité l’éducation d’un enfant n’a reposé sur seulement le père et la mère. Jamais non plus ces derniers n’ont eu aussi peu de transmission de leurs aînés pour faire face aux défis de la parentalité. La parentalité devient donc une charge énorme et sans ressource ou presque pour y faire face.
Nous sommes heureux au Réseau des Parents de pouvoir contribuer à alléger cette charge, soutenir les parents et les aider à acquérir les outils nécessaires pour mener à bien leur délicate mission !
Chasseur, cueilleur, parent, de Michaeleen Doucleff, éditions Leduc, 2021
Merci aux Editions Leduc de nous avoir offert l’occasion de lire ce livre, cela a été un réel plaisir de lire cette bouffée d’air frais !