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Faire face à la colère de nos enfants

Contrariété, irritation, bouderie, tension, énervement, rancune, frustration, fureur, haine… Les manifestations de la colère sont variées ! Les occasions de ressentir de la colère sont nombreuses pour les enfants et leur cerveau encore immature a du mal à savoir comment gérer cette énergie parfois dévastatrice.  Pour nous parents, il n’est pas évident de faire face à cet enfant hurlant, répandu sur le sol. Sans compter les regards pas toujours aidants ni compréhensifs autour de nous ! Cette colère nous bouscule, nous culpabilise parfois, nous met nous-même en colère… et nous laisse souvent démunis. Quelles sont alors nos ressources devant ces colères enfantines ?

Pourquoi tant de colère ?

L’enfant a de multiples raisons de ressentir de la colère : il se sent frustré, il doit obéir à une règle trop contraignante, inadaptée pour lui ou dont il ne perçoit pas le sens, il a besoin de justice, il a besoin qu’on le respecte, que l’on respecte ses peurs par exemple, que l’on respecte ce qui lui appartient, il a besoin de calme ou au contraire qu’on joue avec lui, qu’on se rende disponible pour lui, qu’on respecte son besoin d’apprendre….

Mon fils de 7 ans peut se fâcher tout rouge lorsque son frère ne veut pas lui rendre un jeu qu’il estime être à lui. Il se transforme en Pepe (fils de Soupalognon dans Asterix) : les poings serrés, tout rouge, de la fumée qui lui sort par les oreilles…

Mila, maman de “Pepe”

La colère peut venir du fait que l’enfant ne se sent pas écouté, qu’il ne trouve pas d’espace d’écoute à la maison, il peut avoir du mal à trouver sa place dans la fratrie, manquer d’espace personnel. La colère peut également venir d’une demande d’autonomie. . On oublie souvent que notre enfant ne cesse de grandir et il devient capable de faire des choses que nous ne soupçonnons pas. Nos demandes ne sont plus cohérentes avec ses nouvelles capacités et ça l’énerve ! Nous grandissons avec l’enfant et chaque enfant a son rythme c’est pourquoi nous pouvons être bousculés par ces demandes d’autonomie. Il voudrait mettre ses chaussures tout seul, il en est capable et nous sommes pressés, alors on se dépêche de les lui mettre au milieu des cris et des protestations. A travers sa colère, l’enfant peut attirer notre attention sur l’inadéquation d’une règle avec ses besoins : il a 10 ans et doit aller dormir à la même heure que sa petite sœur de 4 ans… Et Il y a encore bien d’autres raisons d’être en colères…

Ces moments de crise de colère n’arrivent pas sans raison chez nos enfants. Ils sont toujours la preuve qu’un besoin de l’enfant n’a pas été respecté (ça fonctionne aussi pour les adultes). En allant regarder les besoins des enfants suivant leur développement, leur âge, on peut comprendre et désamorcer bien des crises de colère.

Aider l’enfant à devenir autonome avec ses émotions

Ses émotions lui appartiennent, elles ne sont pas les nôtres et nous n’avons pas à juger l’émotion. Elle est là, ni bonne, ni mauvaise, c’est un signal. On peut cependant accueillir cette colère, la reconnaître. Sans cette reconnaissance, difficile de rejoindre l’enfant et de l’accompagner. On accueille, on rejoint l’enfant dans ce qu’il ressent et on redirige :” tu as le droit d’être en colère, je comprends que cette situation te mette en colère et bien qu’en colère, tu n’as pas le droit de taper ni de casser. Je te propose plutôt de …boire un verre d’eau, aller courir dans le jardin, trouver un endroit calme dans la maison, écouter de la musique, faire un câlin… “

Quand mes enfants sont en colère, j’essaie d’accueillir cette émotion sans la juger, de leur faire exprimer ce qui leur pose problème, ce dont ils auraient besoin et je les aide à chercher une solution pour aller mieux. Parfois aussi je leur demande d’aller passer leur colère en changeant de pièce, de prendre l’air, de marcher un peu et je reviens vers eux brièvement pour parler de ce qu’ils ressentent, de ce qu’ont ressenti les autres, sans dramatiser, juste pour retrouver le lien avec l’enfant.”

Louise, maman de 4 enfants qui parfois explosent de colère

Quand on dénie à l’enfant le droit de ressentir ses émotions, on le renvoie dans les ténèbres de la violence, du rejet communicationnel et de la relation bloquée avec soi et les autres. L’enfant a besoin que, peu à peu, on lui donne les moyens d’accueillir cette colère et de la canaliser pour qu’elle soit moins dévastatrice. “Tu aurais bien aimé avoir ces bonbons et tu es déçu qu’on ne les achète pas, je te comprends, ils on l’air délicieux. On pourra penser à en acheter quand ce sera ton anniversaire”. Petit à petit, il a moins besoin de nous pour savoir quoi faire de ses émotions. Le simple fait de reconnaître cette colère permet de faire redescendre la pression.

Ma technique pour le faire redescendre : un câlin, des mots qui rassurent et lui faire comprendre que sans partage on est bien seul. Vaut-il mieux jouer avec SES jouets seul dans sa chambre ou partager et jouer avec plaisir avec son frère ? A lui de choisir en conscience…”

Manon, maman de 3 enfants qui ne souhaitent pas que les autres jouent avec leurs jouets sans autorisation.

Fournir un cadre sécurisant, clair, cohérent, qui rassure

Quand il est rassuré, quand il se sent en sécurité, quand il sait sur quoi et qui compter, l’enfant peut peu à peu s’apaiser. Nous, parents, sommes légitimes pour poser ce cadre sécurisant. Pourquoi les règles existent-elles ? Pour éviter que ce soit la loi du plus fort, que ce soit la jungle : cela permet de vivre paisiblement ensemble ! En acceptant ces règles, l’enfant va trouver la joie de faire partie d’une communauté et de se savoir respecté, protégé, d’avoir une part de liberté. Quand je dis un NON ferme et bienveillant à l’enfant, cela n’enlève en rien l’amour que j’ai pour lui. J’accepte que cela puisse le mettre en colère, que cela puisse être déplaisant pour lui. Un NON peut être inconfortable, frustrant, énervant tout en étant aimant. L’enfant a besoin de ressentir que son parent peut le contenir, le protéger. En signifiant les limites, en édictant les règles de la famille et de la société, le parent, aimant, répond à ce besoin. Et il est normal que l’enfant manifeste son désaccord : “Je comprends que ce soit difficile pour toi de partir du square car c’était super de jouer avec tes amis ET il faut que nous partions car c’est l’heure de la douche”.

En tant que parents, nous ne sommes pas des psychologues, en revanche nous sommes des éducateurs. L’enfant, par son degré de développement, de maturité, peut ne pas tout comprendre de ce que le parent lui demande et cela peut être extrêmement frustrant pour lui. Pour autant, nous sommes légitimes à formuler certaines demandes car nous sommes responsables de lui : nous devons en prendre soin, lui permettre de se nourrir régulièrement, sainement, lui permettre d’aller dormir à une heure correcte, lui permettre d’apprendre, de grandir sereinement. L’enfant a le droit d’exprimer ses émotions et cela n’enlève en rien le fait que nous devons veiller à son développement sans qu’il puisse nécessairement tout comprendre. Concrètement : il a le droit de n’être pas content du tout de se coucher et nous avons le devoir d’aller le coucher à une heure convenable pour sa santé. Inutile de se justifier et de réexpliquer chaque soir les bienfaits du sommeil.

Quand je ne comprends pas les colères de mes ados, je leur rappelle que

1. Wonderwoman a ses limites et n’est pas parfaite

2. Je viens d’une génération différente mais cela ne veut pas dire que tout ce que je pense est “has been”

3. Dans la communication, il y a un récepteur et un émetteur. Chacun a sa part lorsqu’il y a une incompréhension.

Céline, maman de deux ados qui ne sont pas toujours d’accord avec ce que leur “vieille mère” leur demande.

Nous pouvons cependant amoindrir ces conflits, ces colères en passant par le jeu, par l’humour, par l’imaginaire, par les câlins : le premier au lit a gagné un énorme bisou ! Et si on jouait à celui qui est caché tout au fond de sa couette ? Tu me dis quand tu es dans ton lit et j’arrive avec la meilleure histoire de tous les temps ! Pour celui qui est couché dans 5 minutes, il y a double dose de bisous ! Et si on partait au pays des rêves ? Chaque famille a ses astuces dans ce domaine !

Plus ce cadre est clair, cohérent, prévisible, plus l’enfant peut évoluer sereinement et prendre conscience de sa liberté d’action, devenir autonome dans ce cadre. Il est cependant normal et sain que l’enfant vienne vérifier régulièrement que les règles existent et qu’il ne peut y déroger. C’est inconfortable, c’est frustrant, cela peut susciter des hurlements mais c’est normal. L’enfant a besoin de repères stables et de s’en assurer dès qu’il a un doute.

Le cadre que nous fournissons à notre enfant pour grandir doit également permettre de nous respecter. Un parent épuisé ne peut plus fournir ce cadre. Quand nous ne nous respectons pas : notre besoin de pause, de sommeil, de calme, d’alimentation saine par exemple…il est normal que cela explose, on peut d’autant moins accueillir et accepter les colères de nos enfants ! On peut expliquer à son enfant que la colère du parent n’est pas de son ressort. C’est au parent d’être également autonome avec son émotion, de s’en occuper. L’enfant a besoin de comprendre que chacun ressent des émotions et que c’est à chacun de voir ce qu’il en fait, l’autre n’est pas responsable de cela. Une belle occasion de se demander pardon quand nos réactions réciproques sont allées trop loin.

Ces colères, ces frustrations, ces envies de toute puissance qui se retrouvent contraintes n’empêchent pas la tendresse. En choisissant de pointer les moments où l’enfant a réussi à canaliser sa colère, à être autonome, à trouver un moyen d’en tenir compte et d’agir en conséquence de manière acceptable, on l’aide à favoriser de bonnes réactions.

Responsable de ses réactions

On peut également lui montrer que les émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises et que l’on a chacun la responsabilité de voir ce que l’on en fait. La colère est une belle motivation pour changer le monde, pour prendre soin de la planète, pour prendre soin de ceux que l’on oublie, des plus faibles. La colère est un beau moteur de changement et on aurait tort de ne pas en profiter. En montrant à notre enfant ce que d’autres ont fait de leur colère, on les aide à voir tout le panel d’actions possibles à partir d’une même émotion, y compris quand elle est très forte ! On leur ouvre des chemins différents et positifs. La colère est un tel moteur de changement que c’est bien elle qui s’exprime quand les règles familiales ne conviennent plus. Elle est le signe d’un besoin d’évolution, de respect de chacun. Une saine colère peut permettre la croissance de tous.

Parfois ces colères sont trop fortes, trop profondes, on ne les comprend pas, elles nous dépassent. Nous ne sommes pas thérapeuthes, nous ne sommes pas psychologues et nous ne pouvons pas “guérir” la colère de nos enfants. Quand ces colères dévastent la vie de famille, il est important de se faire aider. Au réseau des Parents, l’Espace Accompagnement Famille permet aux familles d’être accueillies, écoutées et aidées. Il est important de ne pas rester seul.

A nous parent de faire la part des choses suivant l’âge de l’enfant, de lui donner un cadre qui lui permettent de canaliser ses émotions, de ne pas se laisser envahir tout le temps par cette colère. A nous aussi de lui donner des moyens adaptés pour apprivoiser cette colère. Enfin, n’oublions pas sur ce chemin d’apprendre à apprivoiser nos propres colères de parents…En nous occupant de nos colères, nous aidons aussi nos enfants à s’occuper des leurs.

Petite bibliographie pour parler des colères avec les enfants :

Folle colère, collection “mes émotions j’en fais quoi”, Gaëlle Tertrais, Ségolène de Nouël

Sam et Watson, plus forts que la colère, Ghislaine Dulier

Grosse colère, Mireille d’Allancé

La colère, Camille Laurans et Isabelle Maroger

Je t’aimerai toujours quoiqu’il arrive, Debi Gliori

Le livre en colère, Ramadier et Bourgeau

La couleur des émotions, Anna Llenas

Les émotions de Gaston : “Je suis en colère”, Aurélie Chien Chow Chine

A partir de 8/9 ans et jusqu’à 99 ans : Emotions : enquête et mode d’emploi, Art Mella

Pour les parents : Au coeur des émotions de l’enfant, Isabelle Filliozat

1 réflexion au sujet de “Faire face à la colère de nos enfants”

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