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Temps utile, temps inutile et temps ensemble…

Le confinement nous a offert un rapport au temps différent. La promiscuité a apporté avec elle son lot de tensions, mais pour les familles cela a été également moins de tentations, d’engagements extérieurs pour les membres de la famille, pas de parenthèse d’école, d’activités extra-scolaires, de trajets ou alors si peu, pas de to-do lists longues comme le bras à écluser avant la fin de la journée. Nous avons vécu avec beaucoup moins d’interactions sociales en dehors du foyer. Nos agendas ont vu s’annuler les uns après les autres tous les événements prévus. Libérés de nombreuses obligations sociales, nous avons perdu moins de précieuses minutes chaque jour dans nos agitations quotidiennes.

Considérer le temps comme un ami

Le temps s’est installé chez nous. Le temps a habité chez nous, comme un invité imprévu qui a pris ses aises sans qu’on ne sache très bien pour quelle durée. Il a coulé doucement et nous avons eu le loisir de le regarder passer. Nous avons dû vivre le temps présent. Nous avons appris à vivre l’instant présent. Le temps est devenu parfois « improductif ». Et si c’était un bien ? Que gardons-nous de cette période si particulière ?

Être obligé d’appuyer sur le bouton pause…

Moi j’aime bien ça, quand le temps glisse entre les mains, sans ennui, sans que rien de particulier se passe, juste la douceur d’être là.

Delphine de Vigan

Le temps pour se poser, pour se pauser,

Par la force des choses, nous avons renoué avec nos familles, nous avons été obligés de nous poser. Nous avons pu voir grandir, évoluer, vivre ceux qui nous entourent.

Prenons-le temps de regarder ce que nous avons été pendant ce temps, ce que nous avons fait aussi de ce temps. Non pas avec un regard qui se désolerait de ne pas avoir mis à profit tout ce temps, mais avec un regard bienveillant, contemplatif. Listons ce que nous avons appris de ce répit au milieu de nos vie trépidantes . Saisissons l’opportunité de partager en famille, lors d’un repas pour célébrer le déconfinement par exemple, comment chacun a vécu ce temps et vit aussi ce temps de transition qu’est le déconfinement. Peut-être qu’au fil des partages, des expériences de temps utiles ou inutiles, improductifs, seront gardées pour la suite. Certains ont pris du temps pour la solitude : un temps solitaire – une expérience parfois si rare en famille-, un temps chacun dans sa chambre, sans les autres, un temps pour se ressourcer, un temps pour s’asseoir ensemble sans forcément se faire la conversation, des temps de « rien », juste être ensemble, habiter le temps ensemble. D’autres en ont profité pour se déconnecter des réseaux sociaux parfois très anxiogènes. Et si l’on gardait l’habitude de se déconnecter régulièrement, de garder cette solitude à certains moments, de garder ces temps de « rien » ?

Le temps de faire autrement

Prendre le temps de « casser des oeufs », d’expérimenter, de se tromper, de tâtonner…

On en a beaucoup parlé dans les médias : les français sont nombreux à avoir redécouvert le temps de cuisiner, de faire soi-même, une expérience d’activité souvent partagée en famille. Beaucoup d’enfants ont fabriqué leurs propres goûters, certains ont joué à top-chef ou au restaurant familial, se mettant au service de leurs parents, et tant d’autres idées pour habiter ce temps donné. Pour certains, ce temps a été occupé par plus de lecture, plus de temps avec son conjoint, plus de temps pour réfléchir, pour ne rien faire, prendre le temps de revoir des films cultes de son enfance et de partager ce moment avec ses enfants alors que d’ordinaire on court du matin au soir.

Pour une maman qui avait tout essayé pour gérer l’heure du coucher de ses enfants : routines, histoires, explications…qui partaient en vrille invariablement, ce fut l’occasion de prendre le temps de faire autrement. Après avoir perdu ses nerfs tous les soirs puissance 10 pendant le confinement, elle a décidé de tester un moment de méditation pour les petits, une fois dans leurs lits, juste quelques minutes. Échec total encore une fois pour les petits mais…pas pour elle : elle s’est aperçue que ces quelques minutes prises lui ont permis de mieux accueillir les demandes de ses enfants, leurs besoins. L’agitation du coucher des enfants s’est calmée bien plus rapidement qu’auparavant !

Dans une autre famille, c’est le papa, d’ordinaire peu présent et désormais au chômage partiel, qui a pris la direction des devoirs des enfants. Chose inimaginable en temps « normal ».

Prendre le temps de se retrouver, de nouer des relations différentes, plus intenses…

Saisir l’occasion de faire autrement : c’est ce que nous a offert ce confinement. Moments intimes, moments, différents, moments précieux, petites et grandes émotions, moments agréables mais aussi moments désagréables, nous avons eu l’occasion de les partager. Nous avons appris à accueillir ce temps suspendu, ce temps autrement et ce temps parfois inutile aussi. Un temps pour constater, pour contempler, pour se désoler aussi parfois, un temps pour voir ce que nous nous refusions à voir auparavant : quel parent ne s’est pas rendu compte d’une difficulté de son enfant qu’il n’avait jusque là pas eu la possibilité de voir ? A l’inverse, certains parents ont découvert tout ce que leur enfant savait déjà faire et qu’ils ignoraient. Ainsi le confinement a-t-il parfois pu être un temps pour agir face à ces constats, pour rétablir des équilibres rompus, pour se réjouir des nouveaux équilibres. Un temps de contact avec le réel, un temps de constat pour le pire parfois mais aussi le meilleur. Chacun a eu l’occasion de prendre le temps autrement, de l’organiser autrement, d’agir autrement avec des résultats différents des constats habituels.

Un temps de vie ensemble

Sans grand projet particulier à part celui -déjà immense- de passer ce confinement sans trop de dégâts, nous avons pu goûter le temps ensemble. Que nous soyons tous confinés ensemble ou non, nous avons tous été contraints de retisser les liens familiaux, de passer du temps ensemble, beaucoup plus que d’ordinaire, de nous parler. C’est parfois compliqué voire douloureux pour certains mais ETRE tout simplement ensemble, sans autre objectif que d’être ensemble, c’est un bienfait pour la famille. Un temps qui semble inutile mais qui pourtant construit la sérénité de la famille, sa base, sa sécurité. Nul besoin de projet fédérateur fantastique comme on a pu en voir sur les réseaux sociaux. Le seul fait d’être ensemble suffit à amplifier considérablement ce lien familial. Etre bien en famille, s’émerveiller de l’autre – même si confinement oblige, il peut aussi considérablement nous casser les pieds-, voilà aussi ce que nos enfants peuvent apprendre de ce confinement. Goûter la simplicité de ces instants familiaux, ces partages d’émotions y compris les plus douloureuses. Nous avons trouvé en nos familles un camp retranché pour vivre cette période. Un camp avec ses problèmes, ses dysfonctionnements, sa communication imparfaite, mais un lieu sûr quand même. Nous avons appris à vivre en famille avec une intensité inégalée. Est-ce que nous ne pourrions prévoir à l’avenir d’autres moments pour « être ensemble », « faire famille » sans autre artifice ?

Passez du temps avec votre famille et vos amis. Personne sur son lit de mort ne dit jamais « J’aurais souhaité passer plus de temps au bureau. »

Joyce Meyer

Et vous, que gardez-vous de ce temps si particulier ?

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